L’I.A peut-elle “désapprendre” ? Les nouveaux enjeux juridiques et défis techniques posés par l’intelligence artificielle

L’I.A peut-elle “désapprendre” ? Les nouveaux enjeux juridiques et défis techniques posés par l’intelligence artificielle


Face à la croissance des systèmes d’intelligence artificielle (IA), le “désapprentissage”, c’est-à-dire la capacité à effacer des données déjà utilisées, est un défi essentiel. Entre complexité technique et cadre juridique, notamment avec le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), les entreprises et les régulateurs doivent trouver des solutions pour répondre aux enjeux éthiques et légaux actuels
. The Conversation France a publié un article sur le sujet Apprendre à désapprendre : le nouveau défi de l’intelligence artificielle. Revenons sur les différents enjeux récents posés dun point de vue éthique comme juridique par les avancées de l’intelligence artificielle.

L’ I.A. : des enjeux éthiques et légaux complexes et en constante évolution.

Les cadres réglementaires comme le RGPD en Europe et la CCPA (California Consumer Privacy Act) aux États-Unis visent à protéger les droits des individus, dont le droit à l’oubli.

Ce droit devient problématique dans l’IA, car une fois les données intégrées dans un modèle, elles influencent profondément les décisions algorithmiques. Les organisations doivent ainsi rendre leurs processus transparents pour limiter les biais discriminatoires tout en garantissant la protection des données personnelles.

Le “désapprentissage” : un des nouveaux enjeux actuels majeurs.

Le “désapprentissage”, appliqué à l’intelligence artificielle, fait référence à la capacité d’un modèle à “oublier” des données qu’il a précédemment utilisées pour son entraînement.

Cette démarche est essentielle pour respecter des réglementations comme le RGPD et garantir la suppression complète d’informations personnelles ou biaisées, tout en maintenant la performance du modèle.

L’impact du “désapprentissage” sur la législation

Le “désapprentissage” soulève de nombreuses questions juridiques, notamment sur le droit à l’oubli, inscrit dans l’article 17 du RGPD. La difficulté vient du fait que, dans les systèmes d’IA basés sur des réseaux neuronaux, les données sont intégrées aux connexions internes des algorithmes. Cela rend la simple suppression d’informations beaucoup plus complexe que dans des bases de données traditionnelles, car les modèles IA continuent de “se souvenir” des informations, même après leur suppression.

Les cas comme celui entre le New York Times et OpenAI montrent l’importance croissante de ces questions dans les décisions judiciaires à venir. Le New York Times a porté plainte contre OpenAI, l’entreprise derrière ChatGPT, pour violation de droits d’auteur. ChatGPT a reproduit des paragraphes d’articles du journal sans en citer la source ni avoir obtenu l’autorisation de les utiliser. Ce procès pourrait établir des précédents juridiques importants concernant l’utilisation de contenus protégés dans l’entraînement des modèles d’intelligence artificielle.

En savoir plus sur ce procès et les enjeux juridiques et éthiques des contenus captés, gérés ou générés par l I.A.

Complexité technique du désapprentissage

D’un point de vue technique, effacer une donnée spécifique dans un réseau de neurones revient à réajuster l’ensemble des connexions internes. Cette opération n’est pas triviale. Les chercheurs explorent diverses méthodes, allant du réentraînement complet (coûteux en temps, argent et impact environnemental) à des algorithmes qui ajustent les poids neuronaux liés aux données à oublier. Cependant, aucune méthode n’est encore pleinement satisfaisante. Le réentraînement partiel ou progressif est une piste envisagée, mais il existe toujours un risque de dégradation des performances générales du modèle.

Les perspectives pour l’avenir de l’IA

Malgré ces défis, les grandes entreprises technologiques comme Google ou JPMorgan Chase investissent massivement dans la recherche sur le désapprentissage. La pression pour répondre aux exigences du RGPD et aux futures législations internationales pousse les acteurs à développer des solutions viables. Cette course à l’innovation vise non seulement à sécuriser les données des utilisateurs, mais également à offrir des systèmes IA plus transparents et responsables. À terme, l’objectif est de concilier performances techniques et respect des droits des individus dans un cadre de régulation robuste.

Ce qu’il faut en retenir :

  1. Droit à l’oubli (RGPD, CCPA) : Effacer des données personnelles dans l’IA est un défi technique majeur.
  2. Coûts et complexité : Le réentraînement des IA pour supprimer des données est coûteux et énergivore.
  3. Éthique : La gestion des biais et de la confidentialité des données dans l’IA est cruciale pour éviter des dérives.
  4. Législation : Le manque de jurisprudence claire rend l’application des droits de protection des données difficile dans l’IA.
  5. Avancées technologiques : Des progrès sont attendus dans le domaine, grâce aux efforts de géants comme Google, pour offrir des solutions de désapprentissage efficaces.

Pour en savoir plus sur le sujet :

Le “fair use” : nouveau paradigme du bateau de Thésée ?

Le procès New York Times vs. OpenAI : enjeux pour le journalisme et la propriété intellectuelle à l’ère de l’I.A.

Apprendre à désapprendre : le nouveau défi de l’intelligence artificielle.

Pour rédiger cet article de synthèse, nous avons également synthétisé des éléments des études et synthèses suivantes, notamment en ce qui concerne le droit à l’oubli, la complexité de la suppression de données dans les systèmes d’intelligence artificielle (IA), et les enjeux juridiques liés à la protection des données :

  1. Le droit à l’oubli dans l’ère des modèles de langage : Cet article examine les implications du droit à l’oubli, tel que défini par le RGPD (Règlement général sur la protection des données), dans le contexte des grands modèles de langage (LLM) comme GPT-3. Il aborde notamment les défis posés par la mémorisation involontaire des données personnelles par ces modèles. Ce point est crucial car même après une demande d’effacement, les modèles peuvent continuer à reproduire certaines informations. L’article discute également des solutions potentielles pour rendre l’IA conforme aux exigences légales. Consultez l’étude ici.
  2. Cinq ans de droit à l’oubli : étude Google : Ce rapport de Google Research analyse l’impact de la mise en place du droit à l’oubli en Europe. Il offre un aperçu de la manière dont Google a géré plus de 3,2 millions de demandes de suppression de liens en cinq ans, et montre l’ampleur des défis auxquels les grandes entreprises sont confrontées pour répondre à ces demandes, notamment dans un cadre d’IA. Voir l’étude complète.
  3. Conformité des plateformes IA avec le droit à l’oubli : Cet article explore en profondeur comment les plateformes IA tentent de se conformer au droit à l’oubli du RGPD, notamment en utilisant des techniques comme la pseudonymisation et la minimisation des données. Il détaille les difficultés posées par la nature « boîte noire » de nombreux systèmes IA, et la complexité de réentraîner les modèles après la suppression de données personnelles. Lire plus ici.